Albert Camus est habile en matière des
symboles, et chacun de ses personnages symbolise un parti sur la scène
politique mondiale. Raymond représente Israël, Meursault l'Occident et les
Arabes les Palestiniens. Dès lors, et après le décodage de leur signification,
il devient bêtement stupide de parler d'un simple crime mais d'une guerre,
celle israélo-arabique dans laquelle serait introduit l'Occident en profit
d'Israël. De ce fait deux histoires iront en parallèle, l'une renvoie à
l'autre.
Raymond essaye d'abord d'attirer
Meursault par des objets purement matérialistes (vin, repas, cigarettes).
Celui-ci, sans assise morale, va le suivre dans une obéissance aveugle. Et
c'est également le cas d'Israël, s'octroyant l'appui et le soutien d'
l'occident par l'autorité de ses capitaux et de ses élites parvenant au pouvoir,
partout dans le monde.
Raymond va ensuite demander à son ami de
devenir son copain et de lui donner un coup de main pour se venger d'une
maîtresse qu'il a connue, et avec laquelle il est en brouille actuellement. Et
comme Meursault ne peut refuser, il s'élance dans le contentement de son copain,
en écrivant une lettre à l'ex-maîtresse, l'incitant à venir, par des termes
d'amour et par un style affectueux, pour recevoir par la suite la vengeance la
plus atroce de la part de son ex-amant. Et comme Raymond se croyant avoir des
droits sur son ex-maîtresse, Israël se croit avoir des droits sur Palestine
parce que ses ancêtres y habitaient autrefois. Elle va demander à l'Occident
d'être son allié, comme elle demanderait son appui. La lettre écrite par la
main de ce dernier n'est rien que les traités faits au profit d'Israël,
commençant par la promesse Belfort, et passant par toutes les conventions
établies pour la défendre.
Meursault serait ensuite invité à
témoigner faussement que la fille avait manqué à Raymond. C'est également le
rôle accompli avec réussite jusqu'ici par l'Occident, faire renverser les
vérités, et le coupable devient victime et vice-versa. Il s'efforce de faire
montrer Israël comme proie de la violence arabe et d'un projet de déracinement.
Il devient son porte-parole dans toutes les réunions et les congrès
internationaux.
Etant sûr de l'appui de Meursault, il
essaierait de faire déclencher des
conflits avec les Arabes, tout en essayant de l'y faire enfoncer, tantôt par
attirer son attention sur leur présence près du bureau de tabac, prétendant
qu'ils les guettent, tantôt en essayant de leur provoquer, mais c'est vilain,
surtout que ses ennemis sont d'une paisibilité inexcitable, ils réussissent
toujours à garder leur sang froid et leur silence. Israël aussi cherche des
excuses pour reconquérir le territoire palestinien, en se faisant montrée comme
menacée dans son existence. C'est un enfant gâté et prêt à tout faire pour que
ces désirs soient comblés. D'ailleurs il est sûr que sa mère, l'Occident, lui
viendrait au secours dès qu'il commencerait à pleurnicher.
Au contraire de Raymond assoiffé pour le
sang, les Arabes sont d'une paisibilité introuvable, et ne sont guère faciles à
exciter. Ils ne quittent leur calme que pour se défendre ou se venger d'un
outrage. Ainsi, ils surviennent sur la plage pour se venger de Raymond qui
s'est mauvaisement comporté avec leur sœur. Les palestiniens aussi gardent
souvent leur sang froid et réussissent à avaler leur rage, sauf en cas de leur
honneur offensé, c'est impardonnable. Le recourt des Arabes au couteau pour se
défendre est un passage des palestiniens à la résistance armée. Ayant une
bouche et un bras ouverts, Raymond va revenir sur la plage pour se venger. En
le suivant, Meursault a eu l'impression que son compagnon sait où aller. Ils
sont arrivés, par la suite, à une source de l'eau qui coule dans le sable
derrière les rochers. Là-bas ils ont trouvé les arabes calmes et presque
contents. C'est exactement le cas pour Israël, elle sait ce qu'elle veut,
l'eau, cette matière précieuse de l'avenir. Elle veut s'emparer de toutes les
sources aquatiques du Moyen Orient. Mais les palestiniens étaient les premiers
là, ils menaient une vie calme et paisible avant son arrivée.
Israël était sûr que cette terre ne
supporte pas deux adversaires, c'est question d'existence qui nécessite
l'anéantissement de l'autre. Elle n'a que prendre une guerre de déracinement
contre ses ennemis, chose qui n'est pas du tout facile face à la paisibilité
extrême de ses adversaires. Mais rien ne semble impossible à sa malignité et sa
puissance, elle va essayer d'exciter les Arabes pour les attirer à la guerre.
C'est exactement ce qu'il a fait Raymond. Il« a porté la main à sa poche
revolver, mais l'autre n'a pas bougé et ils se regardaient toujours.»
Il a voulu tirer sur lui, Meursault a pensé qu'en disant non, Raymond
s'exciterait seul et tirerait certainement. Il lui a dit que l'autre ne l'a pas
encore parlé. Alors il a voulu l'insulter pour le tuer dès qu'il répondrait. Et
Meursault s'est intervenu une deuxième fois pour le conseiller de le prendre
d'homme à homme, et de lui céder son revolver pour l'utiliser si l'autre arabe
interviendrait. L'Occident est toujours prêt à imposer silence à qui veut
soutenir les Palestiniens. Mais les Arabes, paisibles par nature, ont reculé,
et les deux alliés sont rentrés chez eux.
La fatalité va conduire Meursault, de
nouveau, sur la source de l'eau, enivré et hypnotisé par le soleil et la
chaleur. Il a remarqué que le type de Raymond a été revenu seul. Il s'est
reposé tranquillement sur le dos. Dès qu'il l'a vu, il s'est un peu soulevé et
a mis la main dans sa poche. Meursault a serré le revolver de Raymond dans son
veston. « Alors de nouveau, il s'est laissé en arrière, mais sans retirer la
main de sa poche.» Il a pensé qu'il n'a
qu'à faire un demi-tour et tout serait fini. Et au lieu de s'en retirer, il a
fatalement fait quelques pas vers lui. « L'Arabe n'a pas bougé. Malgré tout, il
était toujours assez loin. Peut-être à cause des ombres sur son visage, il
avait l'air de rire.» Mais enfin quelle
absurdité! Tuer quelqu'un parce qu'il semble rire! C'est une justification plus
pire que le crime lui-même! Et quelle inégalité! Un homme allongé contre un
autre debout; l'un recule, l'autre avance; le premier avec une arme développée
efficace (un revolver qui peut tirer du loin) le deuxième avec une autre
primitive (un couteau). Cela traduit toute la situation, l'Occident puissant et
riche, avec tout un arsenal bien développé contre Palestine, un pays pauvre qui
essaie de se lever, avec une arme primitive propre à effrayer des oiseaux.
Une autre fois la fatalité va faire son
rôle, Meursault a fait un autre pas, l'Arabe a tiré son couteau dans le soleil,
son étincellement a ajouté un coup à sa tête fiévreuse. Il a senti tout son être
tendu, a crispé sa main sur le revolver, et a tiré «quatre fois sur un corps
inerte où les balles s'enfonçaient sans qu'il y parût.»Voila
c'est fait, un crime par le revolver de Raymond et une guerre par l'arme israélienne.