l'étranger d'albert camus: un roman de symboles
Par Fatima EL BOUANANI
Introduction
L'étranger
est un roman révolutionnant dans l'histoire littéraire française et mondiale
par son silence frappant qui a mené Roland Barthe à fonder une théorie de
l'écriture, nommée Le Degré zéro de l'écriture. C'est une écriture neutre qui
«se place au milieu de ces cris et ces jugements, sans participer à aucun
d'eux; elle est faite précisément de leur absence; mais cette absence est
totale, elle n'implique aucun refuge, aucun secret[1]».
Elle se veut blanche, innocente,
amodale, indicative et libérée de toute sorte de servitude à un ordre du
langage. Bref, c'est une écriture de journaliste. Camus est donc son précurseur
puisqu'il a été le premier à l'inaugurer avec
L'étranger, en utilisant un style de l'absence:
l'écriture se réduit alors à une sorte de mode
négatif dans lequel les caractères sociaux ou mythiques d'un langage
s'abolissent au profit d'un état neutre et inerte de la forme; la pensée garde
ainsi toute sa responsabilité, sans se recouvrir d'un engagement accessoire de
la forme dans une Histoire qui ne lui appartient pas[2].
En lisant le roman on sent un étonnement
s'emparer de nous, pour céder la place, ensuite, à une vive fureur contre
l'insensibilité du protagoniste. Et tout en s'avançant dans notre lecture, on
tombe proie à une énorme confusion due à l'épaisseur d'un message secret qui
passe comme un mirage entre les lignes,
tantôt claire, tantôt insaisi, mais qui ne nous laisse guère indifférents, car
on en ressent tout le poids. Et un flux de question nous envahit: Camus se
contente-t-il dans son roman de peindre une réalité mortellement ennuyeuse et
un héros animalement insensible? Et ce silence, étranger à l'auteur de La Peste
est-il arbitrairement utilisé? Ou pour symboliser outre que la passivité d'une
existence? Quel est le vrai enjeu de Camus?
L'auteur est le porte-parole de
l'humanité toute entière, ses maux, ses peines et ses soucis à elle sont les
siens. Souvent, et quand il se trouve condamné à garder le silence face à une
injustice quelconque, il fait recours aux symboles pour faire passer
implicitement ce qu'il ne peut exprimer directement. On aurait donc deux
histoires qui vont en parallèle, l'histoire explicite dégagée littéralement de
l'œuvre et l'histoire sous-entendue qui règne lourdement sur le roman et qui
lui donne sa richesse, son individualité et lui garantie le saisissement total
du lecteur. C'est un répertoire de la vérité prévue par ces auteurs, dotés de
clairvoyance. On l'y garde en sureté, guettant le temps convenable pour les
mettre à jour ou attendant que l'on en décode les signes. Camus fait partie de
ses auteurs, son silence n'est pas gratuit, il a une fonction symbolique comme
les sont ses personnages, son histoire, et même son style. Ils sont tous au
service de l'intention de l'auteur que l'on va déceler plus tard dans cette
étude analytique.
On va étudier dans un premier lieu les
symboles des personnages et la signification de chacun, pour étudier ensuite la
symbolisation du crime commis par le héros et celle du procès enfin.
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